Paul Brousse "approuve l'acte de Montceau-les-Mines"

Dans le Prolétaire du 26 août 1882, Paul Brousse dirigeant du Parti Ouvrier, "approuve l'acte de Montceau-les-Mines".

" L'acte de Montceau-les-Mines", c'est l'émeute du 15 août 1882, dix jours auparavant, au Bois-du-Verne.

Brousse précise que cette approbation, c'est en son nom personnel qu'il l'apporte. Le secrétaire de la fédération de Saône-Loire de ce même Parti ouvrier, Jean-Baptiste Dumay, avait quand à lui condamné cette émeute des mineurs de la Compagnie de Blanzy dans les heures qui suivirent. 

Brousse est le théoricien du "possibilisme" (en gros passer par les élections et collectiviser en commençant par les Communes, avancer par étapes...). Mais il est aussi, avec les Italiens Costa et Cafiero, celui  de la "Propagande par le fait", quelques années auparavant en 1877. 

Alors, comment conjugue t-il les deux : "Le fait" qui déclencherait la Révolution et le "possibilisme" avec ses étapes à franchir ? C'est que pour lui, le but est le même : "la Révolution et l'émancipation qui doit en sortir".

Question de tactique uniquement ?

Lisons cet article de Paul Brousse dans Le Prolétaire du 26 août 1882 reproduit ci-dessous. 


MONTCEAU-LES-MINES

 

Je suis de ceux – et je parle à la première personne pour bien marquer l’opinion que je vais émettre n’engage que moi – qui approuvent l’acte de Montceau-les-Mines.

Il y a plusieurs catégories de révolutionnaires.

Il y a ceux d’abord pour qui le mot Révolution est uniquement un fait de tribune, une phrase de drame. Ce sont les comédiens.

Il y a ceux pour qui, comme l’a fort bien dit Marouck, la Révolution est une affaire de tirage et un truc à coter à la Bourse. Ce sont les farceurs.

Nous laisserons ceux-ci à leurs affaires, ceux-là à leur tremplins. Nous nous occuperons seulement de ceux pour qui la Révolution, avec l’émancipation qui doit en sortir et les martyres qu’elle entraîne, est chose sérieuse, et à laquelle on ne saurait trop mûrement et trop longtemps réfléchir.

Pour ceux-ci, la Révolution ne peut éclore que d’un milieu politique et social approprié. Elle ne peut réussir que si, au moment où elle éclate, elle a son armée.

Le milieu se crée spontanément. L’armée se forme, au contraire, par la propagande, et par l’organisation des forces ouvrières.

C’est sur ce dernier point que les révolutionnaires sérieux sont divisés.

Les uns croient – je l’ai jadis cru avec eux – que le meilleur moyen de former une armée révolutionnaire est l’organisation d’émeutes, de combats d’avant-garde, pour me servir du terme d’école : « la propagande par le fait insurrectionnel ».

Le Parti ouvrier estime , au contraire (et expériences faîtes, je me suis rangé à cette opinion), qu’il faut d’abord détromper le peuple de ses espérances réformistes : par une série de mises en demeure, «  par une propagande, par le fait légal », démasquer le mauvais vouloir bourgeois, et n’entrer en ligne de bataille à main armée que lorsqu’une portion assez considérable de la classe ouvrière sera enfin détrompée et aura pris place consciemment sous le drapeau de la Révolution.

Mais, quel que soit l’avis auquel on se range, nous ne pouvons avoir d’estime que pour ceux qui mettent, comme on dit, la main à la pâte ; pour ceux qui mettent leurs actes d’accord avec leurs paroles, pour ceux enfin qui appliquent leur programme.

Que chacun « agisse » comme il pense, et l’expérience, cette naturelle leçon de choses, dura qui a raison. Les autres sont des charlatans, de grands enfants qui jouent, ou des farceurs.

 

Paul Brousse